Comment se fabrique le futur (2/3)
Dans ce futur aussi complexe qu’incertain qui a conclu la synthèse de l’histoire du futur de notre précédent article, une interrogation : la contexte actuel de ce Futur, quels modèles de construction sont à sa portée ? Il en existe beaucoup. Tour d’horizon de ceux qui sont proposés.
Futures Research Methodology : près de 40 méthodes recensées
Connaissez-vous Ted Gordon et Jerome Glenn ? Ces deux émérites prospectivistes ont recensé la collection la plus vaste et la plus complète de méthodes et outils d’exploration des futurs, à ce jour. De la ‘Roue du Futur’ à la ‘Perspective systémique’ en passant par la ‘Prévision normative’, ils ont détaillé l’histoire de chaque méthode et leurs utilisations principales. Un mine d’informations à digérer.
Prospective & Scénarios : Cocorico !
La prospective est une discipline récente. Créée à la fin des années 50, elle est le fruit d’une réflexion sur notre devenir menée par Gaston Berger (1896-1960). Ce boulimique d’idées au parcours atypique (industriel, philosophe, directeur général de l’enseignement supérieur… et père de Maurice Béjard) est à la fois convaincu de l’existence d’un déterminisme historique et des capacités nouvelles de la modélisation économique (puissance de calcul). En naîtra la revue qui donnera le nom à cette matière. Dès lors, la Prospective prend son essor et voit notamment se développer la méthode des scénarios. Ils sont de deux grands ordres : exploratoires ou anticipation.
. Exploratoires : ils partent d’une situation initiale pour explorer progressivement une série de futurs possibles à partir de tendances qui prévalent et en modifiant des paramètres qui concernent la constance ou la variation des éléments principaux du système étudié. Dans cette famille, on distinguera les ‘scénarios tendanciels’ qui reposent sur la prédominance de tendances lourdes et les ‘scénarios d’encadrement’ qui délimitent l’espace des futurs possibles.
. Anticipation : Ici, le point de départ n’est pas la situation présente mais l’image d’un futur à atteindre, d’un ensemble d’objectifs à réaliser (Exemple +1,5°/ -55% d’émission de gaz à effets de serre d’iic 2030). Ils se déclinent en ‘scénarios normatifs’ (les objectifs de référence restent fixes) et ‘scénarios contrastés’ (image multiple du futur – ex.scénario idéal, scénario catastrophique, scénario alternatif).
La ‘transition écologique’ est friande de cette approche. En témoignent les scénarios de l‘ADEME, du WWF, de Association négaWatt ou les 5 SSP «Shared Socioeconomic Pathways» du GIEC.
Raison d’être : l’avenir en poupe !
Impliquer des collaborateurs dans la définition d’une « raison d’être » susceptible de structurer l’avenir de son entreprise est de plus en plus courant ! Ce processus d’implication vise à s’assurer de la motivation des collaborateurs à œuvrer pour l’avenir de leur société. Notons qu’il est rare, malgré des efforts d’implication de toutes sortes, que cette mobilisation dépasse 15% des salariés.
Une fois définie, cette raison d’être est censée « agir comme la clé de voûte de choix stratégiques et une boussole pour guider ses actions au quotidien »… comme l’affirment généralement les Présidences dans le communiqué de presse qui annonce avec éloquence la ‘phrase décisive’.
Dans les structures publiques, la mobilisation autour de la recherche du futur est autre. On réunira un collège de citoyens capables de penser notre avenir (Ex. Convention citoyenne pour le climat’ ou un appel à experts ‘Appel à contributions’ France Strategie / RTE Réseau de Transport d’Electricité…). Question : que deviennent réellement ces contributions ?
Au niveau des collectivités, on remarquera l’effort mené par certaines Métropoles et autres organismes d’inclure au travers d’un processus d’intelligence collective élus et citoyens dans une réflexion sur leur avenir. Quelques exemples : ‘Fabriques Prospectives’ de ANCT – Agence nationale de la cohésion des territoires ; Prospective et dialogue public de la Métropole de Lyon – ; Charte de la participation citoyenne’ de la Métropole Européenne de Lille (MEL) – …
Unesco : Littératie du Futur
UNESCO, regroupe 192 pays et s’interroge depuis 2012 sur les modalités d’acquisition du Futur en tant que compétences. Elle les a formalisées au sein d’un concept baptisé ‘Littératie du Futur’. Son postulat : le Futur ne peut être qu’imaginé. Et les humains ont pour propriété d’avoir la capacité d’imaginer. Conséquence : importance de rendre les individus ‘Instruits du Futur’ afin de leur permettre de décider pourquoi et comment utiliser le futur, d’être plus à l’aise avec la nouveauté et l’expérimentation, de comprendre et d’apprécier le potentiel offert par le changement.
Plus de 80 laboratoires en Littératie du Futur ont été créés avec des expériences d’apprentissage-action et d’intelligence collective tout à fait marquantes.
A droite, en voici la synthèse, pour celles et ceux qui souhaiteraient approfondir, lire l’impressionnant ouvrage dirigé par Riel Miller : Transformer le futur: l’anticipation au XXIe siècle
Nombreuses sont donc les méthodes à même d’imaginer notre avenir. Bien appréhender leur nature, leurs modalités, leurs usages… et leur diversité, constitue un pré-requis pour opérer les bons choix.
Notre 3ème article se concentrera sur les modalités de projection et de formalisation du Futur pour les structures publiques ou privées.
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Christophe Pouilly – Vice-président exécutif La Fabrique du Futur & CO